Affirmer qu’un coureur s’est révélé sur telle épreuve est un poncif que la chronique sportive ressert souvent, parfois de manière inappropriée. Un connaisseur du cyclisme madrilène rirait bien à entendre qu’Alberto Contador s’est révélé sur le Ruban Granitier Breton en 2002 alors que, membre du Real Velo Club Portillo, deux ans plus tôt dans la catégorie junior, il était surnommé « Pantani » pour ses accélérations foudroyantes en côte. Mais il s’est bien fait connaître à l’international sur les routes bretonnes en terminant deuxième du prologue à Concarneau (derrière Martial Locatelli), portant successivement tous les maillots distinctifs dont celui de leader du classement général avant de se contenter, sous les coups de boutoirs coordonnés de coureurs français expérimentés, du titre de meilleur jeune (9e au final) à Dinan, où l’on avait bien vu qu’il grimpait ! Cela reste la première performance hors d’Espagne du vainqueur des Tour de France 2007 et 2009.
Greg LeMond était le champion du monde junior, titre obtenu l’année précédente en Argentine, et venait de gagner le Circuit de la Sarthe quand il termina deuxième de l’étape de Lannion en 1980. Mais le monde du cyclisme a vraiment su le lendemain de quel bois se chauffait l’Américain. Attaqué par les Russes et le futur vainqueur final italien Giorgio Casati, il vit sa contre-attaque anéantie par une crevaison. Dépanné par la voiture suiveuse de l’équipe de Belgique, il invectiva son propre directeur sportif, pour son absence coupable, avant d’abandonner devant le panneau d’un lieu-dit « La Maison Blanche ». La légende du vainqueur des Tour de France 1986, 1989 et 1990, tempérament de feu, auteur d’une carrière en dents de scie, était en marche !
Les parcours bretons sont à l’évidence plus propices à l’expression des baroudeurs que des purs grimpeurs. C’est pourquoi on retrouve dans les archives plutôt placés que gagnants les noms de Jean-René Bernaudeau, Ronan Pensec, Erik Breukink, Eric Boyer, Pascal Lino, Richard Virenque, Andreas Klöden, Christian Vande Velde, Denis Menchov et, plus récemment, Adam Yates, qui ont ensuite terminé dans les cinq premiers du Tour de France. Le Tour de Bretagne étant l’une des épreuves les plus longues (7 étapes, toujours du 25 avril au 1er mai) de la catégorie des compétitions de l’antichambre du plus haut niveau, il permet de cerner les coureurs capables d’enchaîner les jours de course, de bien récupérer donc, à l’image d’Evgeni Berzin, sixième et dernier vainqueur russe du Ruban Granitier Breton (ses prédécesseurs défendaient les couleurs de l’Union Soviétique), en 1992, deux ans avant son triomphe au Giro devant Miguel Indurain et Marco Pantani.